Il y a un mois
de ça Neil jouait avec CSN au Bridge et deux mois auparavant il
finissait la tournée de la période ‘This Note’s For You’. C’est
le premier concert de la tournée 1989 avec The Restless dont la
première partie est assurée par Neil en solo. Je passe sur les détails
du pourquoi je n’ai pas assisté au show acoustique et que j’arrive
directement au show électrique. Honte sur moi ! ! Ca démarre
en trombe avec un morceau d’Eldorado. Le groupe porte bien son nom
et Neil n’est pas en reste, ils sont tous les quatre bien agités.
My heavy love chante dans ma tête. Neil appuie son épaule sur celle
de Rick. Mais c’est un bref moment car Neil est branché sur une
pile électrique ! ! ! Mais que fait Neil ? ? Il vient vers nous,
retire sa guitare et la pose contre lui et se met à jouer avec une
guitare imaginaire accompagné d’un large sourire. Fini de rigoler,
quel est le réglage qui merde, un technicien accourre, les Restless
assure sans son leader. Neil rieur revient vers nous Old Black en
main et fait le geste de la lancer sur nous ! Quel pitre ! ! ! Neil
repart dans le morceau, mais aussitôt un bruit ! Une sonnerie de
téléphone ou de porte ? Non. Un bruit de tonnerre ! A chaque fois
que Neil touche sa Old Black fétiche ! Que se passe-t-il ? Neil
regarde son pédalier puis continue le morceau tout aussi rageur
et le finit dans la nuit. Seul Neil est éclairé, il teste sa guitare,
la regarde. Il parle au technicien et au public. Là c’est bon mais
pas là ! Le son de ma guitare est trop fort là ! Faut arrêter le
show et revenir un autre jour ? Les minutes passent et le soundcheck
se poursuit sans que la forte résonance ait disparu. A chaque fois,
Neil teste sa guitare : ‘‘Là c’est bon mais pas là !’’. ‘‘Nous
reviendrons une autre fois’’ (We’ll go back another time) nous dit
Neil désappointé. Hey ! Oh ! Tu ne vas pas nous abandonner ? ? !
That’s sound is good, but this one is big. C’est le plus gros son que
Neil Young ait fait au monde ! Rire de l’assistance. Ne pleurez
pas, ajoute-t-il. Sans doute qu’il a eu l’accord du technicien car
Neil se met à frapper les notes calmes de Don’t Cry. Mais ce morceau
est plein de fureur entre les couplets ! ! ! ! ! Ballades et Heavy
Metal dans un même morceau ! ! ! Seul Neil sait si bien faire ça
! ! ! Sedan Delivery est le père spirituel de cette nouvelle chanson
de 1989 ! ! ! Allez ! Signe de tête au batteur pour un final de
larsen où Neil pose une voix mielleuse en destination de sa chérie
qui verse une larme : Tu ne seras pas vraiment seule. Noir. Quelques
accords pour tester encore sa guitare et que j’accepte bien volontiers
comme intro à Cocaine Eyes. Urgence dans la diction, urgence dans
le rythme musical, urgence dans le propos ! ! ! J’ai rayé des amis
le long de la route. Un poison blanc les plongeait dans un mauvais
sommeil sans aucun réveil possible. Ne te voiles pas la face, Cocaïne,
tu as encore perdu le combat ! Chaque jour je serai devant toi à
te mettre hors course ! Neil dit à la fin : ‘‘Mon vieil ami’’. Est-ce
que Neil avoue qu’il y a touché ? C’est le noir intense entre les
morceaux ! Neil parcours la scène en testant silencieusement sa
guitare. Noir. Neil s’est éclipsé ? Une voix perce la nuit : How
y'a doin’ out there ? Hey Rick, nous t’avons reconnu ! ! ! Tu
n’arriveras pas à nous bluffer ! ! ! Rends-nous Neiiiiiiil ! ! !
La foule s’agite et crie ! Des notes d’une grande pureté sortant
d’une boule de cristal nous transportent dans la ville d’Eldorado.
Images furtives et pourtant nettes nous viennent à l’esprit. Un
beau travail de concision, Neil vient près de nous faire les fabuleux
accords bien travaillés qui me donnent des frissons de plaisir !
! Suivent aussitôt des effets de glisse avec la paume sur les cordes
qui se marient bien avec l’acoustique de Poncho. Neil prend un médiator
sur la tablette du micro pour jouer Heavy & Loud le temps de
quelques secondes. Puis il le jette derrière lui et vient encore
à côté de nous pour cette mélodie prenante ! Oui ! Vraiment Eldorado
sera un standard et devra être joué à tous les shows comme Like_A_Hurricane
ou Cortez_The_Killer ! ! ! Neil nous emmène sans coup férir dans
une ambiance désabusée et lancinante de western spaghetti. Seule
une faible lueur lunaire éclaire ce voyageur errant installé dans
son wagon de marchandise qui glisse vers nulle part comme un corbillard.
Un nuage de poussière roule léger et s’élève à son passage. Le voyageur
s’y est agrippé. Neil va là où le vent veut bien l’emmener. Ce vent
forcit, le synthé de Poncho grésille ! ! Oui, un ouragan ! ! ! Neil
est cette tornade, se déchaîne devant chaque musicien. Une femme
blanche embrasse Neil ! Euh, je veux dire qu’une flamme blanche
embrase Neil ! Neil fait signe qu’il est aveuglé par ce feu, et
la flamme blanche devient vénusienne. Oh ! Déjà fini ? Un
peu de larsen ? Merci Neil ! ! ! How y'a doin’ ? Neil fait sonner
sa guitare. Ce n’est pas son jour à la Old Black ! ! Et Neil utilise
que celle-ci avec ces Restless. Hey ! Virez-moi le gars de l’éclairage,
tu lui mets plein les yeux ! ! Neil nous met plein la vue avec Mr
Soul en nous donnant une version endiablée. You’re strange, but
don’t change ! La guitare sauvage tente de se libérer du lasso de
l’ampli, mais Neil veille.
Rick Rosas comble l’absence de Neil en présentant
le groupe. Le batteur Chad Cromwell de Tennessee, Poncho Sampedro
de Crazy Horse. Yeah ! Salut à vous trois ! Survivants des Bluenotes
! Hey, Neil revient. Il a retiré sa veste à carreaux sans manche
et se retrouve en T-shirt bleu. Son pantalon blanc usé, déchiré
sur la cuisse droite et rapiécé sur les fesses et sur les genoux
me fait penser à son beau pantalon blanc tout neuf de 1978. Neil remercie Rick et guitare enfilée se lance encore un test à
moins que ce soit dans une intro de grande quiétude pour un nouveau
titre ? Ah là ! je reconnais l’intro de Cinnamon_Girl ! Nous attendions
tous cette fille et les dix saxophones d’argent ont été congédiés.
Vous prenez le groupe paisible des Bluenotes et vous virez les cuivres
et vous obtenez le groupe des plus agités qui soit ! Poncho et Neil
dansent ce qui les amuse. Neil vient encore une fois en bord de
scène nous jouer le final qu’il rallonge sous les encouragements
du public. Noir. Neil boit de la flotte. Il est sans guitare. How
y'a doin’ ? nous dit-il. Neil présente Rick "The Bass Player",
et embraie aussitôt avec le deuxième titre sorti, ce soir, de son
premier album avec Crazy Horse. Sur ce Down By The River, La batterie
se fait plus présente, plus sèche. Neil alterne larsens et flopée
de notes, nervosité et douceur. Virtuose, tu sais mener ta barque
sur cette rivière ! Neil saute littéralement sur son pédalier pour
un son sourd et nerveux ! Le temps d’une cascade sur cette rivière
et les remous se sont dissipés. Le courant est plus calme à l’ombre
de quelques futaies mais ça ne dure pas longtemps. Arrive, le final,
lent et majestueux. Noir ! How y'a doin’ ? Ha ! Revoilà la lumière
pour Hey Hey My My. Neil va voir ses musiciens pour les inciter
à garder le rythme endiablé. Il fait signe qu’il est encore aveuglé
et garde la tête en l’air fixant les projecteurs. « And once you're
gone » Neil pointe le doigt vers nous, puis vers les projecteurs.
« You can't come back » Neil met sa main sur le coeur. Etrange message
que Neil nous délivre là ! Une fois partis, nous ne pouvons pas
revenir dans son coeur ? ! Encore des signes pour dire qu’il est
aveuglé. Retourne à son côté favori de devant de scène qui est à
sa gauche. Neil commence le dernier couplet à sa place et courre
vers l’autre micro à sa droite pour chanter les deux derniers vers.
« Than meets the eye ». Poncho indique son oeil. Et ensuite, Neil,
sur sa lancée, poursuit sa route vers l’extrémité de la scène. Le
cordon se tend au maximum, Neil consciemment insiste un peu plus,
puis devient raisonnable. Neil va à reculons vers les amplis s’y
adosse, souffle un bon coup, fait signe au batteur et repart énergiquement
dans le final. Noir ! J’ai besoin de respirer un bon coup ! Neil
se débarrasse de sa guitare et la scène se vide. Mais, Neil revient
aussitôt, guitare en main, ramasse une rose qui a été jetée sur
le devant de la scène, la sent, et la pose sur l’estrade de la batterie.
Neil repart dans des tests de sa Old Black. Quelle soirée ! ! !
Son et lumière sont d’humeur taquine. Heureusement que le
moral de Neil ne faiblit pas et Neil poursuit le show vers Broadway !
Ville de lumières et de paillettes. La plus petite pièce ne fera
pas briller tes chaussures à Broadway. Neil jette son pied en l’air
en rigolant. Surtout que tes tennis blanches ne sont pas faites
pour être brillées. Ce n’est pas une ville pour Neil ? Il s’en fiche,
il a sa guitare et joue tant qu’elle est avec lui. Et à sa façon
! Personne n’a à lui dicter quoi que ce soit ! Chose rare à souligner
: Neil fait une reprise ! On Broadway date de 1962 et a été écrit
et composé par Barry Mann, Cynthia Weil, Mike Stoller et Jerry Leiber.
Pas de répit, la batterie est métronome, les guitares sont sensibilité
à fleur de peau. Les guitaristes s’avancent vers nous pour jouer
leurs notes d’écorchés hypnotiques et psychédéliques. Notre vie
est dans nos mains. Cette nuit est la nuit. Les chats miaulent dans
cette nuit électrique. Poncho frappe dans les mains. Neil s’arrête
de jouer et continue de chanter, guitare sur le côté. Et quand il
se met à rejouer ça ne va pas, et il fait un signe à un technicien
qui vient aussitôt s’affairer autour de la Old Black pendant que
Neil en joue ! Une double croche scintille au-dessus d’eux. C’est
le final d’enfer ! Neil ne tient pas en place pour ce final ! Final
? Non ! Neil fait signe et repart dans cette nuit qui finalement
est torride pour ce mois de janvier ! Torride à faire péter des
cordes. C’est d’ailleurs ce que Neil fait aux siennes et s’en va.
Rick dépose sa guitare sur le plancher de la scène. Poncho l’imite.
La double croche est éteinte. Noir.
Denis Between The Rusty Words (11 novembre 2003)
© IDDN 2005
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